jeudi 26 août 2010

"You can rest now because you've worked to be free" : Hommage à Abbey Lincoln

J'étais tellement coupé de toute actualité lors de ces vacances que je n'ai appris que cette semaine le décès d'Abbey Lincoln, survenu le 14 août dernier. Je ne vais pas refaire ce que vous pouvez déjà lire ailleurs. La robe rouge de Marilyn : l'Abbey ne fait pas le moine... Un nom emprunté au président Abraham Lincoln... Son histoire d'amour avec Max Roach et son éveil aux thématiques politiques à travers leur engagement dans le mouvement pour les droits civiques, au point qu'elle se voit qualifier par un critique de "professionnal negro"... Sa renaissance dans les années 90, quand elle est signée en France chez Verve, par Jean-Philippe Allard, etc...

Simplement, Abbey Lincoln aurait pu se contenter d'être belle. Ce qui serait mal la connaître.

J'ai découvert Abbey Lincoln sur l'album de Max Roach, We Insist! Freedom Now Suite. Un album enregistré il y a exactement cinquante ans : le 31 août et le 6 septembre 1960, troublante coïncidence. Sur cet album-brûlot, son chant passait par tous les états, à l'image du fameux triptyque "Prayer, Protest, Peace". Max Roach lui avait donné comme indication pour interpréter le dernier volet, "Peace", qu'elle devait exprimer "the feeling of relaxed exhaustion after you've done everything you can to assert yourself. You can rest now because you've worked to be free. It's a realistic feeling of peacefulness. You know what you've been through". Ce qui rétrospectivement résonne comme un beau résumé de sa vie, délivré par celui qui fut son seul grand amour.

Sur cet album, elle donnait une ferveur incroyable à "Freedom Day", comme si elle était contemporaine de l'abolition de l'esclavage. Car si Abbey Lincoln est devenue si essentielle, c'est parce que son chant est émotion plus que technique. Abbey Lincoln n'est pas une improvisatrice mais elle vous touche au cœur.


Je n'ai vu qu'une seule fois Abbey Lincoln sur scène. Il y a plus d'une dizaine d'années et je me souviens encore de sa présence et de l'intensité de son chant. Rarement j'ai vu quelqu'un d'aussi ridicule sur scène que celle qui lui succédait ce soir-là, Diana Krall. Tellement vaine et superficielle. J'avais même l'impression que Russell Malone, son guitariste, se foutait de sa gueule dans ses solos. Dur de passer après Abbey Lincoln quand on n'a rien à dire. A cette époque, Abbey Lincoln n'avait déjà plus le coffre. Dianne Reeves qui concluait cette soirée au Grand Rex, était là pour ça quand Abbey portait, elle, un sentiment terrible. A l'image de la version du "Avec le temps" de Léo Ferré qu'elle proposa ce soir-là.

Depuis qu'elle brûla la fameuse robe rouge de Marilyn, Abbey Lincoln n'a cessé de se dépouiller des artifices. Dans le morceau "Naturally", elle écrivit ces mots qui semblent si bien la décrire : "the beautiful lady is so lovely naturally". Et Dieu sait qu'avec ses failles, sa sincérité, ses colères, elle a toujours été si belle naturellement.


Une interview sur L'Express, "Je dois ma résurrection musicale à l'Afrique et à la France"

L'hommage de Vibrations, reprenant un article et interview de 2007


Libération qui s'autorise un jeu de mots foireux : "L'Esprit d'Abbey rôde" (sic !)

3 commentaires:

  1. Salut Dr Funkathus, devant l'excellence de votre blog, je n'ai pas pu m'empêcher de mettre un lien sur le mien :
    www.guarana-groove.com
    N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez d'ailleurs!
    Bien à vous
    monsieur SY

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  2. Merci monsieur SY pour le commentaire et pour le lien. Je devrais bientôt ajouter une colonne de liens sur le blog et je ne manquerai pas d'y mettre Guarana Groove.
    Sans connaître ton émission, j'ai bien apprécié l'esprit Radio Grenouille lors de mes rares passages par Marseille. Il y a quelques années, j'avais d'ailleurs été invité par Cyril pour participer à ses émissions pendant le festival Bol de Funk.

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  3. Yep, un bon pote à moi le Cyril!

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