mercredi 20 octobre 2010

Hymnes du Bien-être à portée de la main (1/3) : Bembeya Jazz National, "Doni Doni (Il n'est jamais trop tard)"

Dans Jamm, son dernier album, Cheikh Lô chante un titre du Bembeya Jazz National, "Il n'est jamais trop tard". Cette reprise nous offre l'occasion de proposer une brève sélection de morceaux valorisant le bien-être plutôt que l'avoir.

Profiter de l'instant présent, ne pas se soucier de l'accumulation des biens matériels, juger la croissance vaine et périlleuse pour notre devenir, choisir un autre indice que le PIB, le remplacer par le BNB (Bonheur National Brut) comme le suggérait Jigme Singye Wangchuck, roi du Bhoutan... Les alternatives à la spirale matérialiste sont nombreuses. Plutôt que l'infantilisation des masses qui semble être une des armes du capitalisme contemporain pour imposer sa loi, entraînant cette frénésie de consommation qui ne peut que nous laisser frustrés de n'en avoir jamais assez, les artistes populaires ont depuis longtemps entonner le chant du bonheur dans le dénuement. Tant de chansons ont été l'expression de ce Carpe Diem, de cette sagesse populaire sachant "voir le bon côté des choses", se contenter d' "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras".

Parmi cette riche production, les quelques titres retenus dans cette sélection auront en commun d'appartenir au panthéon personnel du Dr. Funkathus. Chacun de ces titres a été longuement écouté et son message patiemment mûri. Chacun a servi d'école de la vie plus que bien des pensums. A n'importe quel âge, on aura ainsi pu s'imprégner de cette philosophie du bien vivre, ici et maintenant. De la chanson de Baloo à nos deux Jean, Gabin et Sablon, mais tout ça et le reste, c'est à suivre dans les jours qui viennent...

Dans Jamm, son dernier album, Cheikh Lô, notre Baye Fall préféré, a repris un titre du Bembeya Jazz National, "Il n'est jamais trop tard". Le morceau s'appelle en réalité "Doni Doni" mais une partie des paroles est en français et l'essentiel pour Cheikh Lô étant de toucher le public pour lui transmettre le message, nous n'allons pas pinailler là-dessus et lui reprocher cet ajustement.

"Avec cette chanson, je voulais m'adresser à notre jeunesse africaine pour lui exposer la situation comme je la vois. (...) Ils s'embarquent en pirogue de Dakar à Palma sans savoir s'ils arriveront à destination. C'est une folie car le risque n'en vaut plus la peine. (...) Tout cela ne mène à rien. Je pense qu'il est préférable de rester au pays plutôt que de vivre cette misère. (...) Il faut dire la vérité : l'Europe n'est plus un eldorado" (Vibrations n°127).

Sorti en 1971, "Doni Doni" est un des grands succès du Bembeya Jazz National. Succès qui avait déjà été remis au goût du jour par d'autres Sénégalais avant Cheikh Lô, le groupe Africando. Bembeya Jazz est un des orchestres  emblématiques du mouvement d'Authenticité instauré par Sékou Touré dans la Guinée post-indépendance. Pour Sékou Touré, "la culture est une arme de domination plus efficace que le fusil" et s'il est probablement le plus grand mécène culturel qu'ait connu l'Afrique, "nationalisant" par exemple les meilleurs orchestres, sa politique visait également à instrumentaliser les artistes et faire de la musique une arme de propagande. Ceci posé, cette période fut riche d'une incroyable effervescence artistique qui contribua à établir quelques jalons essentiels des musiques africaines modernes. Le régime guinéen d'inspiration socialiste cherchait à s'affranchir de tout contact avec la France, l'ancienne puissance coloniale, et ce contexte est bien évidemment à prendre en compte quand on écoute les paroles de "Doni Doni".

Qu'importe, même sorties de leur contexte, ces paroles conservent dans leur naïveté la force des choses essentielles. Comment mieux dire le "j'm'en foutisme" à l'égard du matérialisme ?

"Mes copains ont des voitures
Mes copains ont des villas
Oh mais moi je m'en fous
Il n'est jamais trop tard
Il n'est jamais trop tard

Mes copains ils sont partis
Y'en a d'autres à l'aventure
Oui mais moi je suis là
Petit à petit, l'oiseau fait son nid"

Bembeya Jazz National, "Doni Doni" (1971), The Syliphone Years


Avec une pensée pour mon ami Amadou ("comme Amadeus"), contraint par les aléas de la vie à quelques "errances grandioses", comme il a l'élégance de le dire...

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