samedi 14 mai 2011

Amina à l'Eurovision (1991, 20 ans après)


Ce soir, c'est la finale du concours Eurovision de la chanson. Si vous passez de temps en temps par ici, vous devinez l'importance que j'y attache, sinon veuillez voir directement avec mon coquillart ! Mais je vais pourtant faire une entorse exceptionnelle à cette considérable indifférence. Le prétexte est la poursuite de notre série rétrospective (sans être nostalgique) sur certains événements musicaux d'il y a vingt ans, en 1991.

Cette année-là, avec sa chanson "C'est le Dernier qui a parlé qui a raison", Amina représentait la France et faillit remporter le titre, finissant à égalité de points avec la Suédoise Carola. Seule une subtilité subsidiaire du règlement la priva de la victoire. Imaginez la gloire ! Au lieu de cela, la France n'a toujours pas gagné depuis 1977 !


Cette chanson est extraite de son premier album Yalil. A ceci près qu'elle ne figurait pas encore sur la version en 33Tours que j'avais acheté lors de sa sortie. Précisons également que l'album est sorti en 1990 et qu'Amina n'a participé au concours Eurovision que l'année suivante. Je n'en ai plus le souvenir mais il est probable que cette sélection incita sa maison de disques à ressortir Yalil agrémenté de ce tube pour surfer sur la vague de l'événement. A moins que "C'est le Dernier..." n'ait déjà figuré sur le CD : rappelons-nous que c'était l'époque où les majors souhaitaient nous dégoûter du vinyl pour nous refiler des CDs beaucoup plus chers à l'achat (et  coûtaient beaucoup moins à produire) avec comme seul argument pour faire passer la pilule quelques titres en bonus sur les albums, généralement des fonds de tiroir.

Yalil est un album réalisé par Martin Meissonnier, LE producteur français des musiques du Monde, qui était alors le mari d'Amina. A ce duo à la scène-couple à la ville, vient s'ajouter Wasis Diop musicien sénégalais très décalé, collaborateur de longue date, et Maurice Poto Doudongo. Sorti à une époque où Paris, notamment grâce au formidable haut-parleur qu'était Radio Nova, avait acquis son statut de capitale de la sono mondiale, l'album bénéficiait du gros son des productions léchées d'alors. Assurément un disque de son temps. Ce qui explique peut-être qu'il ait quand même pris un bon coup de vieux. Vous pourrez toujours me dire que ça revient à la mode, je persisterai à dire qu'il y a là trop de claviers-synthés. C'était peut-être la condition pour faire passer le message : adopter la stratégie du cheval de Troie, s'infiltrer dans le système, le subvertir de l'intérieur, même si le prix à payer sont ces affreux sons de synthé. On a connu pire compromission !

Amina a d'emblée été proclamée diva. Je me souviens des commentaires de quelques proches qui la découvraient alors dans une interview télévisée et pour qui cela ne faisait aucun doute : elle avait ce truc, ce charisme qui vous distingue du commun des mortels. C'était une évidence. C'était son mektoub.

Mais je crois qu'on aura du mal à comprendre le premier album d'Amina si on ignore que la dame aime beaucoup s'amuser. Yalil joue la carte de l'ironie, jusqu'au kitsch assumé de certains morceaux. Amina adopte la posture de la chanteuse orientale sensuelle mais avec une dérision évidente, il n'est qu'à écouter "Ma Tisane bout"... "Belly Dance" assumait son rôle de machine à faire danser. Je me souviens même d'avoir acheté le maxi 45T (d'occase, je précise) pour le "Cold Sweat Remix" de Dee Nasty qui contenait, comme son nom l'indique, un sample du titre éponyme de James Brown.

Quant au morceau de l'Eurovision, "C'est le Dernier qui a  parlé qui a raison", on peut probablement y voir une petite leçon de sagesse populaire. Voici la vidéo, avec une belle faute d'orthographe sur le titre, dans le plus pur style "Omar m'a tuer".


Avec vingt ans de recul, on réalise stupéfait à quel point Amina s'affirmait comme une femme libre. C'était finalement moins frappant à l'époque que maintenant. Qu'on s'étonne aujourd'hui de sa modernité nous signifierait-il que les mœurs ont connu une sévère et sordide régression morale ?


A suivre, une brève interview inédite et exclusive d'Amina...

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