mercredi 20 juillet 2011

Moussu T et Lei Jovents au Festival de Thau (Frontignan)


C'est une belle initiative qu'un festival propose des concerts gratuits dans les communes alentours en parallèle à sa programmation payante. Ainsi, le Festival de Thau avait-il invité Moussu T & Lei Jovents à Frontignan. Nos transfuges du Massilia Sound System étaient déjà passés l'automne dernier par Montpellier mais, comme je l'expliquais alors, j'avais malencontreusement passé la jambe au travers du genou de mon bleu de Chine et ne m'étais pas résolu à m'y rendre sans cette tenue patinée par de longues années.

Pour rappel, les Moussus ont fait du bleu de Chine leur uniforme. Sur leur premier album, Tatou chantait déjà : "ma pitchounette, moi et mon bleu de Chine, à la Ciotat, on fait ménage à trois". Une déclaration presque solennelle. Car ce bleu est un serment de fidélité aux racines populaires, un blason pour ne pas oublier d'où l'on vient.

Je n'ai toujours pas racheté de bleu de Chine mais je ne pouvais décemment pas rater une deuxième fois les Moussus pour un si foireux prétexte*. Et puis en cette saison, le bermuda n'a pas de rival. J'avais cependant pris ma veste de bleu sous le bras, avec le vent frais c'était la moindre des choses. 

Le parc Victor Hugo offrait un cadre idéal pour accueillir l'événement. Ambiance familiale et bon enfant sous les platanes et les palmiers. Nous sommes arrivés quand les Boukakes finissaient leur set. Le temps d'aller commander une paire de muscats au bar, histoire d'être "à la fois souple et bouléguant", et Moussu T & Lei Jovents pouvaient commencer.


Tatou et Blu prirent une chaise de chaque côté de la scène. Avec eux, et en l'absence de Jamilson, le percussionniste brésilien de l'équipe, un batteur et un percussionniste. Ils attaquèrent avec "Empêche-Moi", un titre fort de Putan de Cançon, leur dernier album. Blu attaquait au banjo, histoire de planter la couleur. Par la suite, il jouera surtout de la six-cordes, balançant un son plus rock sur sa Gibson.

En pareil lieu, le groupe ne pouvait manquer d'interpréter "Mar e Montanha", titre qui dit tout l'amour portée à leur ville de La Ciotat, entre mer et montagne, ville et campagne, un vrai paradis, pour la bonne et simple raison qu'est citée, au milieu d'autres spécialités locales, le muscat de Frontignan !

Que Tatou et ses collègues forcent le trait marseillais, n'étonnera personne, tellement ils ont ancré leur musique et leurs paroles dans leurs terres adorées. On regrettera cependant le manque de spontanéité de leurs interventions. Quand tous les soirs d'une tournée, on ressort les mêmes blagues pour lancer les morceaux, encore faut-il y mettre de la fraîcheur. Les jouer en comédien, leur donner le même naturel nonchalant et feignant que leur musique. Là, c'était juste lourd d'être forcé et tombait le plus souvent à plat. A la limite du cagant. Heureusement, le répertoire de Moussu T comprend suffisamment de titres forts, des titres dont j'adore les paroles toujours d'une incroyable verve. Bien sûr, et malgré le vent d'Ouest frisquet, ils ont joué "Ò Que Calor !" : "c'est une vraie journée de congé, va pas falloir me déranger, je vais rester là sans bouger, sur une serviette allongée, à côté de mon top model qui a fait glisser les bretelles de son bikini léopard. C'est un moment merveilleux".

Tout le concert se déroulait en terrain connu et le plaisir était de découvrir en vrai les chansons que l'on connaissait déjà pour les avoir toutes bien écoutées. Car, vous l'aurez remarqué si vous passez par ici, il est rare que l'on y évoque la chanson française. Et, aussi surprenant que cela paraisse pour un Parigot dans mon genre, il se trouve que Moussu T e Lei Jovents font partie des rares artistes d'ici que j'écoute bien volontiers. Avec Yves Montand ou Jean Sablon**.

Derrière la faconde, l'univers de Moussu repose sur une base très structurée, l'attachement aux racines occitanes en même temps que l'ouverture aux musiques populaires brésiliennes ou afro-américaines, ou encore reconnaissant comme fondatrice l'influence de Banjo, le roman de Claude McKay, Jamaïcain témoin dans les années vingt du Marseille interlope et cosmopolite. J'ignore s'ils ont également adopté un autre regard étranger sur leur ville comme celui de Walter Benjamin et son Hachich à Marseille (1935) mais peut-être cette forme de distanciation, Marseille vu par quelqu'un du dehors, les autorise-t-il à ne pas trop s'en éloigner.
 
Il y a bien quelques accointances entre la culture occitane et la musique brésilienne chez Moussu, pour aller plus loin dans cette rencontre, elle est carrément l'objet de la création ForrOccitània qui réunit Silvério Pessoa et La Talvera. Ils tournent ensemble ce mois-ci, sont déjà passés par Paris. Ils seront à Sète jeudi prochain, 28 juillet. Là encore, ce sera gratuit mais ce coup-ci, j'ai peur de ne pouvoir y assister.

Ah, hier soir, j'ai malheureusement raté les rappels : être accompagnés du petit dernier, même pas trois ans, comporte quelques contraintes...

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* La vraie raison est tout autre, bien entendu. mais si je romance ainsi le motif d'une absence, ce n'est que pour embellir le récit. Et puis, dans quelques années, je serai moi-même convaincu d'avoir raté ce concert parce que j'avais déchiré au genou mon pantalon : "lorsque la légende dépasse l'histoire, retiens la légende".
** C'est prévu de longue date, nous consacrerons bientôt, probablement à l'automne, une grande rétrospective à ce grand chanteur moderne injustement oublié par nos contemporains, probablement le seul à avoir mené une carrière au Brésil digne de ce nom.

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